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Handicapée par des coûts de revient très élevés et confrontée à un marché de plus en plus concurrentiel, l’entreprise semblait destinée à la fermeture. Reprise par Alandia Industries en 2016, elle a réussi un spectaculaire redressement, au prix d’une modification en profondeur de son modèle.
Entreprise emblématique savoyarde créée en 1897, Carbone Savoie fabrique des blocs de graphite et carbone destinés à l’industrie de l’aluminium. Elle emploie près de 400 personnes, et exporte 95 % de sa production. En 2006, l’entreprise passe sous le contrôle d’Alcan, puis du groupe Rio Tinto Alcan.
Paradoxalement, être adossée à un géant n’aidera pas Carbone Savoie à affronter la crise majeure de son marché entre 2013 et 2017. Durant cette période, confrontés à la baisse des prix de l’aluminium, les clients réduisent fortement leurs commandes. Une guerre des prix s’engage. Or, Carbone Savoie n’est pas armée pour faire face à cette nouvelle configuration : ses coûts de production sont 50 % plus élevés que ceux de ses concurrents et elle perd d’importantes parts de marché. Malgré la fermeture de son site de Lannemezan en 2015, les sites industriels ne tournent qu’à 60 % de leur capacité et l’entreprise perd chaque mois 40 % de son CA. En avril 2016, alors que l’entreprise semble condamnée, Rio Tinto Alcan cède Carbone Savoie à Alandia Industries, fonds spécialisé dans le retournement d’entreprises industrielles. Sébastien Gauthier, qui croit fermement en un avenir possible et a participé au montage de l’opération avec Alandia Industries, en devient le PDG. Les difficultés sont de deux ordres : d’une part, les coûts de production sont trop élevés, de l’autre, l’entreprise s’est limitée à un seul marché, surcapacitaire et particulièrement exposé à la concurrence chinoise. Il faut résoudre les deux problèmes, dans un délai très court et un contexte social particulièrement tendu. Soutenu par son actionnaire, et malgré le scepticisme des salariés et des fournisseurs, Sébastien Gauthier lance une stratégie offensive de reconquête, à contre-courant des stratégies classiques de recentrage sur les produits rentables. Dès la reprise, il est mis fin au chômage partiel, les capacités de production fermées sont réouvertes et Alandia Industries s’engage à investir 30 M€ en quatre ans (2016/2019) pour moderniser les installations. Pour appuyer commercialement cette reconquête, il faut drastiquement baisser les coûts de production et se diversifier vers de nouveaux marchés. L’équipe de direction engage une transformation radicale de la structure de coûts et déploie d’importants moyens pour soutenir les efforts d’innovation et de commercialisation. Afin de booster la compétitivité de l’entreprise, l’investissement est concentré sur l’outil de production pour améliorer la productivité et la capacité de production. La production est informatisée. Les coûts en personnel sont réduits grâce notamment à une augmentation de la productivité et un nouvel accord sur le temps de travail. Les frais généraux baissent de 40 % via une révision systématique des contrats de prestations, et une ré-internalisation de certaines fonctions permet de réduire le sureffectif et de protéger l’emploi. Mais ces chantiers ne peuvent être menés à bien que dans un climat de confiance et un dialogue social de qualité. Dès la reprise, une communication de proximité est mise en place avec les salariés, rencontrés régulièrement par groupes de 40. Pour restaurer un climat propice au travail et à l’engagement de chacun, l’actionnaire divise par 10 les management fees, et s’engage à ne pas percevoir de dividendes ni à mener de plan social pendant les 18 premiers mois. La gouvernance de l’entreprise devient transparente, quatre représentants du personnel participant chaque mois au Conseil de surveillance. Les membres du COMEX montrent l’exemple en acceptant des réductions significatives de leur salaire. Des dispositifs de redistribution sont également négociés avec les partenaires sociaux afin d’assurer que les efforts de tous profiteront à tous. Grâce à ce plan de redressement, la production est passée de 20 000 tonnes en 2016 à 32 000 tonnes en 2018. Les efforts d’innovation et de diversification ont permis à de nouveaux produits de sortir des usines. Carbone Savoie réalise aujourd’hui plus de 20 % de son chiffre d’affaires sur des segments de marché non adressés en 2015. Le CA a augmenté de 60 M€ en 2016 à 113 M€ en 2018. L’EBITDA est passé de -30 % du CA en 2016 à +10 % en 2018. Les salariés ont progressivement repris confiance dans leur entreprise, la culture d’entreprise s’est modifiée en profondeur, et 90 % des salariés ont choisi de souscrire fin 2017 à l’augmentation de capital qui leur a été réservée par l’actionnaire. Ils possèdent aujourd’hui 5 % du capital de Carbone Savoie. En deux ans, et alors qu’elle était considérée par beaucoup comme condamnée, Carbone Savoie a réussi à se réindustrialiser, à gagner d’importantes parts de marché, à redevenir profitable et à autofinancer sa croissance notamment par une réduction de son BFR. Elle a même procédé à une vingtaine d’embauches en 2018. Le redressement terminé, l’entreprise vient de passer à une phase de développement, dans le cadre d’un nouveau plan industriel baptisé CAP 2021. Elle poursuit son investissement massif en R&D, notamment pour développer des poudres en graphite pour les batteries électriques et vient d’emprunter 10 M€ à un pool bancaire pour augmenter sa production et atteindre 150 M€ de CA d’ici à 2020. 25 jeunes ont rejoint la nouvelle école de formation Carbone Savoie, créée pour accompagner le renouvellement des compétences et protéger le savoir-faire.
Comme beaucoup d’acteurs de la vente par correspondance, Mathon, distributeur d’ustensiles de cuisine, a mal vécu le tournant des années 2 000 et la montée d’internet. Au prix d’une transformation en profondeur, l’entreprise a réussi à remonter la pente et à retrouver une santé florissante.
Créée en 1989 par Vincent Mathon, traiteur passionné de cuisine, Mathon est à l’origine une entreprise de vente par catalogue d’ustensiles de cuisine : d’abord en porte à porte, puis par correspondance, comme beaucoup d’entreprises de VPC traditionnelles. Mathon devient rapidement une référence dans l’univers de la cuisine et une marque d’ustensiles reconnue.
Elle est rachetée aux débuts des années 2000 par un fonds de private equity qui se lance dans une stratégie de développement ambitieuse, mais n’anticipe pas suffisamment le virage internet qui est en train de se prendre. En 2009, alors que l’entreprise prend conscience de la nécessité de faire évoluer son business model et d’investir dans le e-commerce, elle subit déjà le poids de sa dette LBO et doit faire face à une baisse drastique de ses ventes et de sa rentabilité. Une première procédure de conciliation est donc mise en place, mais le réaménagement de la dette et le nouvel apport de fonds de son actionnaire ne suffisent pas. En 2012, Mathon est placée en redressement judiciaire, et rachetée par le groupe familial Labruyère dans le cadre d’un plan de cession en avril 2012. Sébastien Bouvet, qui appartient à la famille Labruyère et dispose d’une double expérience d’investisseur et de dirigeant opérationnel, prend alors la tête de l’entreprise. Il constitue une équipe de management autour de responsables déjà présents, complétée par quelques managers extérieurs dont Carine Favre, directrice marketing devenue plus tard Directrice Générale. Ensemble, ils enclenchent la véritable transformation, qui se déroule autour de quatre axes principaux. Tout d’abord, le business model est entièrement repensé autour du développement du e-commerce. Capitalisant sur sa forte notoriété acquise sur catalogue et sur le fait qu’une partie de sa base clients historique a migré sur le web, Mathon réussit à conserver son leadership en passant sur ce nouveau canal de vente. Elle investit dans la conquête de nouveaux clients, et grâce à sa notoriété bénéficie d’un bon référencement naturel ; cela lui permet de maîtriser ses coûts marketing, même si elle continue de diffuser son catalogue papier comme vecteur d’image, tout en incitant ses clients traditionnels à se tourner vers internet. En parallèle, Mathon fait le pari de la vente de produits en marque propre ; sur un modèle équivalent à celui de Décathlon, elle alimente et anime ainsi son offre par une grande variété de produits (près de 400 aujourd’hui) à forte marge brute. Ce choix stratégique dans un secteur concurrentiel très sensible au prix se révèle payant et ces produits représentent désormais 1/3 des ventes. Mathon n’abandonne pas pour autant toute présence physique : l’entreprise utilise la forte capacité du web à créer du trafic pour faire vivre des boutiques éphémères qu’elle lance en exploitant les emplacements vacants dans les centres commerciaux. Ces boutiques physiques, ainsi que sa boutique historique de St-Marcellin, contribuent à entretenir la notoriété et l’image de la marque, et fournissent 10 % du CA sans nécessiter d’investissement trop lourd, tout en contribuant à l’EBITDA. Enfin, tout ce développement est réalisé avec des contraintes de maîtrise des coûts. L’entreprise ne perd jamais de vue sa rentabilité, et entretient une discipline forte de modération des frais fixes, notamment par une forte intégration des compétences (plutôt que le choix courant de l’externalisation). Cette transformation a également nécessité une mutation sociale et culturelle de l’entreprise. Lors de la cession en 2012, seuls 48 salariés sur les 66 sont repris, et certains managers clés profitent des bonnes conditions proposées par la convention collective pour quitter la société. Un temps destabilisée, l’entreprise recrute de nouveaux talents, et accélère sa mutation en fédérant toutes les équipes (web et catalogue) sur un même site. Finie la guerre des anciens et des modernes, tous travaillent désormais ensemble avec un objectif commun : satisfaire le client quel que soit son canal d’achat. L’outil informatique est également repensé pour être totalement adapté aux exigences de l’e-commerce, ce qui représente un chantier lourd et coûteux. En deux ans, Mathon atteint l’équilibre d’exploitation. En 2018, l’entreprise affiche un chiffre d’affaires de 21 M€ en croissance moyenne de 13 % par an depuis sa reprise, et un EBE de 1,5 M€ sans dette. Toujours portée par la croissance du e-commerce et l’engouement des particuliers pour la cuisine, elle est redevenue une marque et un site de référence en France.
En seulement 15 ans, MOA s’est imposée comme un des leaders du marché très concurrentiel de l’accessoire de mode. Mais ce succès ne s’est pas construit sans crises, ni sans une bonne dose de passion et de confiance en l’avenir de la part de son dirigeant.
L’enseigne MOA a été lancée en 2002 avec l’ouverture de trois magasins en région parisienne, par Cyrille Tarica et un de ses amis d’enfance, Sébastien Bismuth. Le concept est novateur, il s’agit de la première chaîne d’accessoires de mode féminins créée en France.
En 2005, le groupe ETAM entre au capital à hauteur de 35 %, permettant d’envisager le développement de succursales. Le réseau se développe avec l’ouverture de 30 magasins dans toute la France sur trois ans. Mais 2008 est une année de crise mondiale, qui vient stopper l’élan de la jeune société, alors en proie à une crise de croissance : le développement trop rapide, l’endettement important, la concurrence accrue et le ralentissement des ventes entraînent des problèmes de trésorerie et de lourdes pertes (2 M€ en 2010 et 2011). En 2011, Sébastien Bismuth quitte l’entreprise et le groupe Rand Frères entre au capital à hauteur de 50 %. Cet apport doit permettre de soutenir les difficultés de trésorerie, et de donner à Cyrille Tarica, alors DG, les moyens de repositionner l’enseigne autour d’un concept et de produits plus qualitatifs et créatifs. Les ventes redémarrent et MOA se développe grâce à l’affiliation. Mais l’embellie n’est que de courte durée. En 2012, un conflit d’actionnaires avec Rand Frères refait trembler l’entreprise. Un an seulement après l’arrivée de ce nouvel actionnaire, MOA est placée en redressement judiciaire ; malgré ce contexte défavorable, paradoxalement, les ventes continuent de croître. C’est un signal encourageant qui alimente la confiance de Cyrille Tarica et l’incite à reprendre les rênes de l’entreprise également au niveau capitalistique : en 2012, il rachète les parts de Rand Frères, devenant premier actionnaire avec 75 % du capital (ETAM en possédant 25 %) et Président. Il est suivi par de nombreux partenaires prêts à investir pour ouvrir leur magasin malgré la situation précaire, et qui partagent sa vision optimiste de l’avenir de MOA. Une deuxième ère commence pour MOA. L’année 2013 voit l’ouverture de 30 magasins en franchise et affiliation, tandis qu’un programme de rationalisation des coûts est lancé. En 2014, MOA sort de son redressement judiciaire Depuis 2014, elle conduit son redressement autour de deux axes. Le premier est la croissance, avec le lancement de son site de e-commerce, des ouvertures de magasins y compris à l’étranger, et un positionnement stratégique clair, qui vise le segment des jeunes femmes tendance de 15/25 ans, alors que ses concurrents visent soit la jeune fille, soit la femme de plus de 30 ans. Le deuxième axe est la maîtrise des coûts : en privilégiant l’affiliation et la franchise à l’ouverture de succursales, MOA continue de mailler le territoire tout en évitant le poids de l’endettement. Son nouveau fonctionnement, avec une hiérarchie simplifiée, un siège social déménagé, contribue également à cette maîtrise. En parallèle, Cyrille Tarica a continué à injecter des liquidités, tout en négociant et rachetant les dettes bancaires, permettant ainsi le désendettement de l’entreprise : celui-ci passe de 10 M€ à 5 M€. En 2017, l’entreprise enregistre sa quatrième année de bénéfices, et 26 M€ de CA, contre 10 M€ en 2014. Depuis la sortie du plan de redressement, les ouvertures de magasins se sont succédé au rythme de 20 à 30 par an ; ils sont désormais 120 en France et 60 dans 15 autres pays. Suite au rachat de dettes et à des abandons de créances successifs au profit de MOA, Cyrille Tarica possède désormais 90 % des parts, et ETAM les 10 % restants. L’entreprise poursuit son développement, et envisage de nouveaux relais de croissance avec le lancement d’une activité de marque blanche.
Leader français de l’enseignement à distance, Skill & You a opéré un redressement spectaculaire en cinq ans, en effectuant une transformation en profondeur et en minimisant ses conséquences sur l’emploi : l’exemple inspirant d’une modernisation réussie.
Précédemment connu sous le nom de Forma Dis, le groupe Skill & You, créé en 2000, s’est constitué au cours des années par l’acquisition et le lancement d’écoles de formation à distance dans divers secteurs professionnels (BTP, santé, esthétique, etc.), principalement à destination des étudiants et des personnes en reconversion professionnelle.
Sa situation se dégrade à partir de 2011. Cette année-là, le groupe fait l’objet d’un LBO par le fonds 21 Centrale Partners, bientôt suivi du départ de son fondateur Jean Baudard, en 2012. La situation apparaît alors comme désastreuse : les ventes sont en baisse de 35 % alors que les coûts, notamment marketing pour le recrutement des élèves-abonnés, explosent ; le groupe ne peut pas faire face à l’endettement consécutif au LBO, et le climat social est très fortement dégradé. 21 Centrale Partners réagit en nommant un manager de transition à la tête du groupe, Serge Vigier (Dirigeants & Investisseurs), puis en recrutant Eric Petco, qui présente comme atout une très grande expérience du web, comme CEO en septembre 2013. Accompagné de sa partenaire de longue date, Sonia Levy-Odier, Eric Petco engage une transformation en profondeur de l’entreprise et des process. Une équipe de professionnels du numérique est recrutée pour combler le retard marketing en la matière. S’appuyant sur une technologie propriétaire continuellement développée, l’entreprise industrialise notamment la création et l’actualisation des contenus pédagogiques. Les charges sont réduites, via l’arrêt de certains contrats et la systématisation des appels d’offres, et le groupe est complètement réorganisé. Le nombre de sociétés passe de 18 à quatre, et les équipes sont regroupées par fonction au lieu de l’organisation par école ou enseigne, permettant une diminution des coûts (loyers par exemple) et une professionnalisation des collaborateurs. Ces changements sont accompagnés d’une modernisation des outils. Tout ce travail s’effectue en parallèle de la restauration d’un bon climat social. Associées au constat des difficultés de l’entreprise, les instances représentatives ont collaboré à la mise en place de la nouvelle organisation et des nouveaux process, aux nouvelles grilles de rémunération etc. Ce travail commun, et l’absence de plan social pendant toute la période du retournement, a conduit au retour de la confiance et de la motivation des collaborateurs. Les actionnaires soutiennent donc cette transformation, et un remodelage de l’actionnariat accompagne le redressement : en 2014, 21 Centrale Partners réduit sa participation et le groupe passe sous le contrôle d’Alma Learning Group (qui regroupe déjà les sociétés Cours Hattemer, Cours Legendre et Cours St Anne), avant de redevenir principal actionnaire en 2016 adossé à Jolt Capital SAS et Access Capital Partners à l’occasion d’une levée de fonds de 21 M€. En 2018, Skill & You affiche une bonne santé qui lui permet d’envisager un avenir ambitieux. Le groupe a retrouvé une croissance à deux chiffres depuis 2014 et renoué avec la rentabilité, le CA passant de 37 M € en 2014 à 42 M € en 2017, et l’EBE de 0 à 6 M € dans la même période. Porté par la bonne santé du secteur, et la reconnaissance de la formation à distance dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle de 2015, Skill & You accélère son développement, et lance ou acquiert de nouvelles écoles : métiers de bouche en 2015, métiers commerciaux en 2016, école de bien-être et rachat d’Educatel en 2017, et lancement d’une école de comptabilité en 2018 en partenariat avec Francis Lefebvre. Skill & You est désormais le leader français de l’enseignement à distance, avec près de 200 formations en ligne et 100 000 étudiants, et prépare une nouvelle étape dans son développement, notamment en Europe, avec son rachat fin 2018 par Andera Partners.